dimanche 24 janvier 2010

(Re-) Conquête Elémentaire

(petit inédit tout frais de maintenant... 00h37)


Être l’enfant noyé sous le flot de ses pleurs
Mais émerger enfin des vagues de mémoire
S’élever vers la lune, en nuage, en espoir
Reconquérir les eaux, désaltérer sa fleur

Être l’homme atterré à l’âme ensevelie
Mais reprendre racine où s’enterrent les peurs
Ressemer l’énergie sous celle qui se meurt
Reconquérir la terre et cultiver la vie

Être l’amant brûlé, consumé par sa flamme
Mais conserver la braise au cœur de cendres grises
Ranimer la chaleur en caresses éprises
Reconquérir le feu pour l’offrir à sa Dame

Être fou, étouffé de cris, d’écrits d’adieu
Mais retrouver le souffle et taire l’oraison
S’envoler en parole, en sage déraison
Reconquérir les airs, vents déviés, vous envieux.

Et nous deux.
                        

vendredi 22 janvier 2010

La Nuit, L'Ami



(chanson extraite d'une pièce de théâtre pour enfants, Un Jour La Nuit, jouée pour la première fois par les Femmes S'Entêtent, compagnie théâtrale de Linselles,  le 5 juin 2002. Des extraits -ou l'intégralité?...- de la pièce prochainement sur ce blog!)

Quand la lumière s’éteint, on attend le matin
Bambin n’a plus d’ennui, c’est l’ami de la nuit
Quand le noir de satin l’emporte par la main
Ses rêves ne sont plus gris, c’est l’ami de la nuit

La nuit c’est de l’amour, du repos pour le jour
Un manteau de folie qui réchauffe la vie
La nuit c’est de l’amour, du repos pour le jour
Bambin n’a plus d’ennui, c’est l’ami de la nuit

Quand vivent les couleurs dans les yeux du dormeur
Bambin, même à minuit, est l’ami de la nuit
Les rêves n’ont pas d’heure, et Bambin n’a plus peur
L’aujourd’hui se finit, c’est l’ami de la nuit

La nuit c’est de l’amour, du repos pour le jour
Un manteau de folie qui réchauffe la vie
La nuit c’est de l’amour, du repos pour le jour
Bambin s’est endormi, c’est l’ami de la nuit

Quand les étoiles veillent, la magie se réveille
La lune est sans souci, c’est l’amie de la nuit
Quand leur enfant sommeille, les parents s’émerveillent
Bambin est endormi, c’est l’ami de la nuit

La nuit c’est de l’amour, du repos pour le jour
Un manteau de folie qui réchauffe la vie
La nuit c’est de l’amour, du repos pour le jour
Bambin, grand ou petit, est l’ami de la nuit

Quand les enfants sont grands, qu’ils deviennent parents
On peut croire qu’ils oublient d’être amis de la nuit
Ce sont de grands enfants qui rêvent pour l’enfant
Bambin, leur tout petit, est l’ami de la nuit

La nuit c’est de l’amour, du repos pour le jour
Un manteau de folie qui réchauffe la vie
La nuit c’est de l’amour, du repos pour le jour
Un grand tour de magie, la nuit reste l’ami

jeudi 21 janvier 2010

Le Règne Passé de l'Araignée


Dans mon jardin à l’abandon
Triste mémoire et feu passion
Se tissent toile où je me perds
Où je vais, les deux font l’épeire.

Là où le désordre a régné
Tout s’est lié pour me piéger
Prenez la fuite, espoirs maudits
Dans les filets de l’araignée !

Dans mes champs vides en jachère
Les chants trop lourds restent à terre
Découpés à coups de regrets
Le faucheux guette dans les prés.

Hurle à la lun’, sombre mémoire
Ou fuis vers l’avant, si tu l’oses
Tu es trop pleine, noire histoire,
Derrière toi court la lycose !

Et pour te noyer dans ta bulle
De solitude, anachorète,
Elle t’enrobe de sa tulle
Et t’y maintient, l’argyronète…

Même en mon home, esprit fermé
Où les recoins sont des refuges
Le rêve enfoui s’autogénère
Et s’y repaît la tégénaire…

Et prisonnier de l’hier-soir
Je sacrifie mes voluptés
Car le mal n’est plus dévoré
Endeuillé par la veuve noire.

Rampez, aujourd’hui, noires reines
Rompez les rangs, fuyez, mourez !
C’est la débacle de mes peines
L’arachnicide à coups de pieds !

mardi 19 janvier 2010

Demon

Relief illustration from Stéphanie V.

Toi, mon Démon, mon diable au corps
Achète-moi, je vends mon âme
Contre la tienne, un simple don
Fait au paradis satanique

Explose mes envies dehors
Prends ma vie pour nourrir la flamme
Embrase mes nuits qui seront
-Méfie-toi- méphistophalliques

Erige notre éternité
Sur cette infernale émotion
Qui joue des feux comme du sang
Qui fait le désir amoureux

Casse ma simple humanité
Démonte-moi, tendre Démon
Et rétablis le doux dément
Le fou aimant, l’amant du feu

Mon âme damnée, éperdue
Se retrouve sans purgatoire
En errance libératrice
Toi, mon Démon, tu m’accompagnes

Dans la traversée de mes nues
Dans ta nudité d’ostensoir
Dans l’amour porté à nos vices
Toi, mon Démon, toi, ma compagne

Laisse ma main gravir tes monts
Mettre tes dessous en dessus
Ma pudeur, je ne sais qu’en faire
Ma peur s’attend à n’être pas

Enflamme-toi, mon doux Démon
Ne sois pas mon ange déçu
Dans notre montée aux enfers
Vers le plus léger des trépas


Je n'aurai pas le temps (saynete pour enfants)

(cette saynète est issue d'une série "Brèves de Récré" écrite "sur commande" pour l'école de Verlinghem, à l'attention d'élèves de CM1-CM2. Le principe de chaque saynète était d'annoncer une chanson éponyme interprétée par les élèves eux-mêmes. Ici, bien sûr, la chanson annoncée est celle de Fugain...)


(1, 2 et 3 des écoliers en cour de récréation. Ils discutent et prennent en même temps leur goûter. 1 et 2 sont d’un naturel vantard, 3 reste simple)

1-            (propose aux autres) Carambar ? Carambar ? (s’ouvre un carambar, et le met à la bouche façon cigarette) Comme je vous le disais, les amis, l’école c’est bien beau, mais c’est pas un objectif : c’est un moyen !

2-            Tout à fait ! Tout à fait ! On se comprend bien !

3-            Hein ? J’ai rien compris…


1-            (continue) Un moyen, ou mieux, un tremplin, pour faire ce que je veux faire !

2-            Tout pareil pour moi ! Identique, similaire, analogue ou équivalent, tout cela est égal !

3-            Moi j’aime bien faire du tremplin…


1-            Me concernant, ma vie sera bien remplie : quand je serai grand, je serai pompier professionnel, je sauverai des vies tous les jours, j’éteindrai des feux de forêt, même en Amazonie, je monterai sur des échelles plus hautes que la Tour Eiffel, et j’aurai un camion rouge rien qu’à moi avec une lance pour arroser mon jardin!

2-            Oui, c’est pas mal. Moi, quand je serai grand, je serai le plus grand explorateur-médecin du monde de l’univers. Moi aussi, je sauverai des vies, mais toutes les heures, ou plutôt toutes les minutes ! Et moi, j’aurai pas besoin d’éteindre les feux de forêt, vu que ce sera moi qui empêcherai les pyromanes de mettre le feu…

3-            …les quoi ?...


2-            Les pyromanes. C’est de l’anglais. Ca veut dire « les pires des hommes »… Et moi, je ne monterai pas sur des échelles, vu que je voyagerai en ballon stratosphérique pour bien surveiller la Terre entière, au cas où on aurait besoin de moi !

3-            Ben moi, je serai agriculteur ! Et je ferai pousser des chicons !


1-            (s’ouvre une gourde de compote, et propose aux autres) Une p’tite goutte ? Une p’tite goutte ?... A la vôtre !... (reprend la discussion) Mouais, explorateur-médecin, c’est pas mal… Mais moi, après avoir été pompier, je deviendrai cosmonaute, et depuis l’espace, j’agirai sur la santé des humains en faisant des recherches biologiques, je protègerai la Nature en inventant des arbres qui ne prennent pas feu, et avec ma navette spéciale je pourrai aller partout sur la Terre en 3 secondes, même moins !
3-            Ben moi, je serai agriculteur, et je ferai pousser des betteraves !


2-            Cosmonaute, c’est bien pour ceux qui n’ont pas d’ambition… Après avoir été explorateur-médecin, j’aurai découvert une plante inconnue qui fait devenir super-héros, et du coup je pourrai aller bien plus vite qu’en navette spéciale, et même que je sauverai la Terre d’une météorite, et que les gens m’aimeront tous et je serai invité tous les soirs à des endroits différents sur la planète ! Na !

3-            Ben moi, je serai agriculteur, et je ferai pousser des champs de patates !


(le ton monte entre 1  et 2)

1-            Super-héros peut-être, mais moi, je serai un super-CERVEAU, et grâce à un congélateur de mon invention, je vais recongeler la banquise, comme ça y’aura pas de réchauffement de la planète ! Eh oui mon ami !

3-            Ben moi, je serai agriculteur, et je ferai pousser de belles salades sous serre!


2-            Super-cerveau mon œil, ouais ! Parce que moi après tout ça, je deviendrai un vrai sage, et c’est par la spiritualité que j’apprendrai aux hommes à tous s’aimer et à respecter la nature ! Haha !

3-            Ben moi, je serai agriculteur, et je ferai pousser des fraises de Verlinghem !


1-            Je serai le président du monde, et je ferai plein de promesses que je tiendrai !

3-            Je ferai pousser des radis !


2-            Et moi, je serai le roi de l’univers, et ce sera la Paix et jamais plus la Guerre ! Grâce à moi !

3-            Et des aubergines, miam ! J’en ferai pousser aussi !


1-            Stop ! Là, ça suffit ! On peut pas discuter sérieusement ! (se tourne vers 3) Dis donc, toi…

2-            (se tourne vers 3 aussi) Oui, dis donc, toi… (énumère) Des chicons, des betteraves, des patates, des salades, des radis, des aubergines…

1-            …tu veux faire pousser tout ça ? Faut être réaliste, mon p’tit gars !...

1 et 2-      Tu n’auras pas le temps !


lundi 18 janvier 2010

La Si Petite Reine (début du conte, encore en exclusivité!)

(ce conte est tiré d'une série de contes, Les Contes Attitrés, tirant leur inspiration d'un jeu de contrepet ou d'antinomie sur les titres de contes traditionnels. La trame, elle, n'est pas nécessairement en rapport avec le conte initial)
Il était une fois une reine si petite qu’on ne lui voyait ni les pieds ni les jambes. On se baissait pour voir son visage, on se baissait encore plus pour voir ses bras son ventre sa poitrine, mais on n’arrivait jamais à se baisser assez pour voir ses jambes et ses pieds. C’était la Si Petite Reine.
Au royaume, on promit une grande récompense à celui qui tirerait la gentille reine de cet embarrassant handicap, car il faut l’avouer, une si petite Reine ne convient pas à un si grand royaume, et si on ne peut pas admirer les jambes d’une reine sous peine de se briser les reins, à quoi sert donc à ses sujets de lui faire la révérence, je vous le demande ? Faire des courbettes, d’accord, mais si c’est uniquement par servitude, sans la compensation de jolies gambettes, là je dis stop !
Mais revenons à notre belle petite Reine. Car, effectivement, la Si Petite Reine était très jolie, du moins ce qu’on en voyait, ce qui était bel et bien frustrant : elle avait un très beau visage avec des cheveux de jais qui encadraient de leur velour les deux magnifiques étoiles vertes qu’étaient ses yeux, au dessus de la vague vermeil de ses lèvres… ; elle avait de très beaux bras à la peau très douce et très blanche, de ce blanc qui renvoie toutes les couleurs, et on devinait de magnifiques trésors de volupté sous son corsage de reine… Quand au reste, on ne savait pas. Certains s’étaient bien essayé à voir ces jambes si mystérieuses et si basses; l’un s’était écrasé la tête sur le sol à force de se baisser, et ne se déplaçait depuis qu’en échasses avec un casque sur la tête ; un autre s’était tellement retourné dans sa tentative qu’il n’avait pas su se redresser et avait dû apprendre à marcher sur les mains ; et toujours, sans aucun résultat !

Notre héroïne était très intelligente, et d’une humeur souvent facétieuse. Elle adorait jouer à la tomate avec les autres jeunes gens du palais, et bien sûr, elle gagnait toujours, aucune balle n’aurait pu passer entre des jambes qu’on ne voit même pas !
-         - Allez, les amis, vous venez faire une tomate avec moi ? disait-elle souvent.
Et ses amis, qui savaient qu’ils allaient perdre, essayaient d’éviter la fatidique tomate, et la taquinaient :
-         - Que dis-tu ? Tu veux aller cueillir des tomates ? disait le jeune jardinier du palais. D’accord, mais alors, fais attention de ne pas piétiner mes plants avec tes pieds, hein !
Et la Petite Reine se mettait à rire, parce que, c’est vrai, comment aurait-elle pu écraser les salades avec des pieds que l’on ne voit même pas ?
-         - Que dis-tu ? disait un jeune marmiton du palais. Tu veux cuisiner des tomates ? Sauce tomate, salade de tomates, tomates farcies, tomato ketchup ? Moi, je conseille la soupe à la tomate, ça donne de belles couleurs, et ça fait grandir !
Et la Petite Reine riait de plus belle, car c’est vrai qu’elle paraissait bien petite, avec ces jambes que l’on ne voyait pas, et, c’est vrai, sa couleur de peau était bien blanche.
-         - Que dis-tu ? disait alors la jeune couturière du palais. Tu as le teint mat, et tu voudrais des vêtements couleur tomate ? Rien de plus facile, je vais te coudre un beau chemisier rouge tomate, une belle ceinture rouge tomate, une belle veste rouge tomate… Ca va aller vite ! Je n’aurai pas besoin de te coudre de pantalon !
Et la Petite Reine riait aux éclats à l’idée de devoir mettre un pantalon sur des jambes que l’on ne voit pas ! La Si Petite Reine avait beaucoup d’humour.
Finalement, après l’avoir taquinée, ils allaient tous ensemble dans le parc du palais pour jouer à la tomate, même s’ils savaient qu’ils allaient perdre. Mais bâh !, après tout, l’important c’était de jouer, non ? Pas de gagner.

A part la tomate, notre petite héroïne aimait beaucoup courir, et quand on la regardait, on avait l’impression qu’elle avançait sur un tapis roulant, car elle courait, oui, elle courait, mais on ne voyait pas ses jambes bouger, puisqu’on ne les voyait pas du tout ! Elle aimait aussi jouer à cache-cache et se faire toute petite derrière les buissons : il lui suffisait de baisser la tête, et elle disparaissait presque complètement à notre regard ! Par contre, elle n’aimait pas jouer au foot, même si elle était très douée pour faire des têtes, et elle n’aimait pas le judo, même si aucun de ses adversaires n’arrivait à lui faire de croche-pieds.
Une seule chose la dérangeait, finalement, c’était le mercredi matin quand les jeunes gens du palais allaient à la piscine. La Si Petite Reine ne savait pas nager. Une seule fois elle était allée dans l’eau du petit bassin, mais elle n’avait pas pied, et elle avait eu beau battre des jambes pour rester à la surface, elle se serait noyée si le maître-nageur ne l’avait pas attrapée par les bras ! Depuis, le Roi son père lui avait interdit de mettre les pieds à la piscine, ou d’aller à la mer. Et cela attristait notre belle Petite Reine qui aurait tant voulu pouvoir s’amuser comme les autres à sauter, plonger, nager, faire la bombe, s’éclabousser, se couler et faire l’étoile dans l’eau de la piscine ou des océans…

Un jour, et comme je l’ai déjà énoncé précedemment, on décida qu’il fallait trouver une solution pour cette Petite Reine dont on ne voyait pas les jambes. Son père, le Gros Roi (qui s’appelait ainsi parce que, lui, on lui voyait bien les jambes, mais on lui voyait surtout sa belle bedaine rebondie), et sa mère, la Grande Reine (qui était si grande qu’on lui voyait très bien les jambes, mais qu’on avait du mal à voir son visage si haut perché), ses parents donc, ordonnèrent de réunir le conseil des ministres pour réfléchir à ce qu’il fallait faire. Constatant que la Si Petite Reine ne pouvait aller à la piscine, et ne pourrait prendre la succession de ses parents car :
1-                           1- la Si Petite Reine ne saurait monter sur un si grand trône,
2-                           2- la Si Petite Reine ne pourrait être vue de ses sujets quand elle irait sur le balcon du palais,
3-                           3- elle ne pourrait jamais enfourcher le cheval royal lors des défilés,
4-                           4- elle ne pourrait jamais se marier dans cet état, car une reine qui se marie se doit de porter une belle et longue robe,
devant cette situation préoccupante, donc, le Conseil décida que la Si Petite Reine ne devait plus être si petite. Dans tout le royaume, on fit l’annonce que celui qui trouverait la solution pourrait épouser la belle petite reine, et de ce fait, devenir le futur roi !
-         - Oyez, oyez !, déclaraient les hérauts dans tous les villages du pays, et dans tous les pays du monde. Oyez, oyez ! Le Gros Roi, la Grande Reine, et le Conseil des Ministres ont décidé de donner la main de la Si Petite Reine a qui trouvera la solution pour qu’elle ne soit plus si petite, et qu’elle puisse enfin aller à la piscine! Qu’on se le dise !
Aussitôt, dans le monde entier, ce fut l’effervescence !
-         - La Si Petite Reine ne doit plus être si petite ! criait-on. Il faut la rallonger !
Certains se moquaient et proposaient :
-         - Si la Si Petite Reine ne doit plus être si petite, alors, il faudrait aussi que le Gros Roi ne soit plus si gros !
Mais de manière générale, le peuple prenait cette affaire très au sérieux : il en allait de l’avenir du royaume, tout de même !

         Au premier jour de la déclaration, il y eut près de mille prétendants qui faisaient la queue au palais pour rencontrer le Gros Roi, la Grande Reine et le Conseil des Ministres, et leur proposer leurs solutions, toutes plus extravagantes les unes que les autres ! Parmi eux, un vigneron (c’est quelqu’un qui fait pousser du raisin pour faire du vin), un vigneron tout rond, tout rouge, avec des gros bras, des grosses lèvres mouillées, et pas beaucoup de cheveux, s’avança, et déclara :
-         - J’ai la –hic !- solution, vos Majestés ! On –hic !- m’a dit que la Si Petite –hic !- Reine est si petite qu’on ne voit pas –hic !- ses pieds ! Hic ! Il faut donc –hic !- lui faire pousser les pieds ! Dans ma région –hic !-, pour faire pousser mes pieds de vigne, il me faut du soleil, de l’engrais, et –hic !- du terreau de ma composition. J’ai justement amené –hic !- ici une forte lampe solaire, un arrosoir d’engrais à base –hic !- de produits chimiques, et mon terreau que je fais –hic !- avec de la paille moisie et du crottin de cheval !
         Et, sans lui demander son avis, il s’empara de la Si Petite Reine, l’assit sur une chaise, l’arrosa de son engrais chimique, mit du terreau au niveau de ses pieds invisibles, et placa la lampe solaire juste au dessus de sa tête. Tout le monde se pencha, et attendit de voir ce qui allait se produire…
-         - Ca pue ! dit la Petite Reine.
Mais elle ne grandissait pas…
         Au bout d’une heure, ses cheveux étaient devenu tout bleu sous l’effet des produits chimiques, elle avait attrappé de grands coups de soleil, et tous les gens de l’assemblée, qui s’étaient mis des épingles à linge sur le nez à cause de l’odeur, firent un grand « Oooooooh ! » de consternation, unanime et nasillard ! Ce fut un scandale !
-         - Je sais pourquoi ça ne marche pas ! s’écria le vigneron. J’ai oublié de tailler !
Et il sortit de sa poche un gros sécateur ! L’assemblée fit un « Haaaaaaaaa ! » horrifié, et avant qu’il n’ait pu tailler les bras de la Petite Reine, le vigneron fut renvoyé du palais par le Garde du Corps Royal, à grands coups de pieds dans les fesses, tandis que la Petite Reine partait prendre une douche et mettre de la crème sur ses brûlures !        
         A la fin de la première journée, le Garde du Corps Royal avait donné des coups de pieds dans le derrière de 924 autres farfelus, mais personne n’avait apporté de solution valable… Mais bâh !, après tout, l’important, c’était d’espérer, non ?…

dimanche 17 janvier 2010

L'Enfant (Attente, seconde partie)


illustration. Stéphanie V.

Attends encore, un peu, beaucoup, à la folie, c’est sûr
Rêve le corps, compte les jours, tu leur souris, c’est dur
Patiente un peu, beaucoup, encore, n’y pense plus, c’est lent
Le petit dieu n’est pas d’accord, l’être attendu, l’enfant

Trois après deux, c’est évident, comptes-y bien, allons
Même par jeu, tuer le temps, veiller demain, c’est long
Suis l’avenir, mais ne cours pas, caresse-le, le vent
Il va te dire où est le roi, le petit dieu, l’enfant

Un peu de foi, un peu de peur, de doute aussi, c’est vrai
Réveille-toi, le boum au cœur, elle a dit oui, c’est fait
Attends toujours, elle t’attend, tant de chaleur, attends
Pour l’autre amour, l’autre serment, l’autre bonheur, l’enfant

Pense-z’y moins, aux pas à faire, aux temps d’après, devant
C’est beau, c’est loin, un bel enfer, des feux mêlés, du sang
Trop loin, trop flou, futur étrange, mais il est là, présent
Le diable doux, le petit ange, ton au-delà, l’enfant

Dans tes pensées, tu donnes amour, tu te laisses père, en vain
Attends les faits, l’instant, le jour, l’ivresse chère, enfin
L’imaginaire que tu aimes, là, te ment, attends
Le conte offert, le vrai poème, le roman, l’enfant

samedi 16 janvier 2010

Le Nain Blanc et les Sept Neiges (le début du conte, en exclusivité!)

(ce conte est tiré d'une série de contes, Les Contes Attitrés, tirant leur inspiration d'un jeu de contrepet sur les titres de contes traditionnels. La trame, elle, n'est pas nécessairement en rapport avec le conte initial)

Ce genre d’aventure n’arrive qu’une fois.

Il était une fois, donc, un tout petit homme tout blanc qui s’appelait Aubel-Noirçon Le Lusseron. Pour simplifier, les gens - qui n’aiment pas ce qui est trop compliqué…- l’appelaient simplement le Nain Blanc, voire ne l’appelaient pas. Vous savez ce qu’est un nain : c’est une personne qui, même adulte, reste tout le temps dans un petit corps d’enfant. Ce qui, dans notre histoire, tombait bien, car notre héros, qui était une grande personne de 33 ans, avait non seulement un petit corps d’enfant musclé, mais avait également gardé une tendre âme enfantine! Il adorait jouer, et par dessus-tout, il adorait faire des roulades sur la terre et découvrir ce que le sol avait de merveilleux.

Pour nous autres, les « grandes personnes », nous nous souvenons que, quand nous étions enfants, nous regardions le ciel pour y développer notre imagination, en cherchant des nuages en forme de lapin, et en trouvant des gâteaux à la crème chantilly dans les cumuli… Pour notre Nain Blanc, nul besoin de se tourner vers le ciel pour se raconter de belles histoires, la terre lui suffisait amplement, et sans risquer le torticolis ! Il s’amusait à découvrir de fantastiques animaux dans les formes vertes de la mousse sur les troncs d’arbres, il flirtait avec les mille soleils d’un champ de tournesols, il défiait à la course le vent qui courait dans les hautes herbes, et il dansait avec les feuilles qui, lasses d’avoir été fouettées par le ciel, se laissaient doucement retomber sur le sol en prenant de plus chaleureuses couleurs. Pourquoi chercher en haut ce qui existe au centuple en bas ?

Rien ne manquait donc au bonheur de notre héros, rien de trop élevé ne l’empêchait de s’épanouir à tous niveaux, rien de céleste n’aurait détourné son regard de ses pas, de son chemin, de son univers, rien. Rien, sauf le soleil.

Enfant de la lune, le Nain Blanc ne comptait qu’un ennemi involontaire : le soleil. Ce soleil qui, sur sa peau si blanche, trop blanche, laissait des brûlures tellement douloureuses qu’il était obligé de fuir les flammes du printemps et les feux de l’été.  De la nuit, il s’était fait une amie, et le jour était comme l’amour, tantôt brûlant, passionnel et destructeur, tantôt plus nuageux mais plus frais, plus vrai. Notre petit bonhomme sortait donc la nuit, ou attendait le passage d’une couverture de nuages pour redécouvrir ses journées terrestres. Il le savait : s’exposer directement et trop longtemps au soleil aurait pu le tuer, et il avait tant et si bien appris à l’éviter qu’il ne le connaissait presque plus. Alors, comme pour toutes les choses que l’on ne connaît pas et que l’on craint, il lui avait consacré toute sa foi et toute sa dévotion. Le soleil était le seul ciel qui détournait notre ami de sa chère terre d’en bas. Il aurait aimé le connaître, ce soleil, s’en faire un complice, ne plus le fuir. Mais il le fuyait, et pour cause. Et plus il le fuyait, plus il l’adorait. Il n’espérait plus qu’un signe de cette divinité, un miracle peut-être, une apparition qui ne soit pas douloureuse…

Cette quête d’un soleil qu’il devait éviter de trouver, cet idéal absolu qu’il devait aimer et haïr à la fois, ne l’empêchait pas - bien heureusement! - de profiter encore et toujours de son monde bien au sol, et de son imagination joyeuse.

« Oho!, disait-il à l’escargot, préviens-moi dès qu’il fait beau, que je puisse aussi me protéger sous ta coquille! Me laisseras-tu un peu de place, dans ton humble palace? Je me ferai tout petit, minuscule, promis! Et on écoutera l’averse des rayons de soleil pleuvoir sur ton toît! Mais ne bave pas, hein, ça ne serait pas vraiment sympa… »

Et il se mettait à rire, puis à courir, laissant sur place le gastéropode muet d’étonnement et lent de bonhomie.

« Oho!, disait-il à l’arbuste, te voilà bien petit, tu es de mes amis, je le vois bien! Fragiles et conquérants, nous sommes de la même sève, et de la même terre. Souviens-t-en une fois devenu grand, je passerai te faire un petit coucou, et tu déploieras tes branches-parasol pour m’embrasser de toute ton ombre! Ce sera bien, vraiment bien! Je te chatouillerai les racines, tu chatouilleras le soleil, et nous rirons ensemble. Puis je te soulagerai de tes fruits gorgés de chaleur et de lumière! Des bons fruits, ça n’est pas défendu…! »

Puis il sautillait autour de l’arbuste en criant « Attrappe-moi! Attrappe-moi! » tandis que les jeunes branchages le caressaient, le griffaient, essayaient de le retenir, et de le calmer. Un arbre, c’est très calme, et très patient.

« Oho!, disait-il au papillon, tu as bien de la chance : tu es tout blanc et tu es l’ami du beau temps… Tu as bien de la chance. Raconte-moi comment est le soleil… »

Et le papillon se mettait à voler sereinement en décrivant de grands et larges cercles au dessus des champs de fleurs…

Et le Nain Blanc ne se lassait jamais de s’amuser si près du sol, et il courait dans les maïs, et il sifflait dans les hautes herbes, et il roulait dans la boue, et il glissait sur les rochers. Il ne se sentait jamais seul parmi cette nature qu’il observait et respectait de si près… Mais quand le soleil réapparaissait trop fort, alors il se précipitait chez lui, et là, dans le noir complet, entre quatre murs, il versait quelques larmes qui ne reflétaient aucune lueur, et il parlait à haute voix, pour lui-même, seul, et il disait : « Je suis tellement heureux!… mais tellement malheureux… Si je pouvais une fois, juste une fois, rencontrer le soleil, l’embrasser et lui dire bonjour, sans que ça me brûle, rien qu’une fois, alors là, peut-être que ce serait le paradis… ». Puis il s’endormait vers des rêves illuminés.

Dans le village, les braves et bonnes gens aimaient à cancaner, et le Nain Blanc leur fournissait d’innombrables sujets de commérages, ce qui est bien normal : les braves et bonnes gens sortent le jour et dorment la nuit ; les braves et bonnes gens ne s’amusent plus comme des galapiats quand ils sont adultes ; les braves et bonnes gens parlent à leurs voisins plutôt qu’aux animaux ; enfin, les braves et bonnes gens aiment plus à se réunir dans une église qu’à errer dans les forêts! Les braves et bonnes gens sont simplement des gens normaux, bien ordinaires… tout le contraire de notre extraordinaire petit héros, en fait! Et c’est pourquoi, dans notre village, tout le monde regardait le Nain Blanc de travers, ou avec un air supérieur que leur conférait leur taille à défaut de leur esprit.

« Regardez comme il est blanc! Ca n’est pas la couleur qui sied à une personne sociable et de bonne nature!, hoquetait le tavernier, rouge de sa sociabilité absorbée. Il a le teint sec et maladif de ceux qui ne savent pas partager un verre, quel qu’il fut! Par Dionysos, c’est une honte! ». Et, ce-disant, il partageait ses postillons vermillon à son entourage.

« Dieu nous protège de cet être de la nuit, de cette ombre blanche!, prêchait le vieux curé, à cheval sur les frontières de sa plénitude. Comment peut-on ne vivre que sous les nuages, ou sous la lune? Nuages et obscurité sont démoniaques, ils renient la lumière divine! ». Et, tout en prêchant, il balançait son encensoir qui crachait ses vapeurs noires dans la sombre église.

« N’est-il pas vrai qu’il est petit, le gredin?, surenchérissait le garde-champêtre. Etre si petit doit cacher quelque chose… Par Dieu, je suis sûr qu’il s’introduit sournoisement chez les braves gens la nuit par le soupirail de leur cave pour leur dérober quelque richesse! Si petit, mais pour quelle raison, si ce n’est celle de pouvoir s’immiscer dans votre vie privée, hein?! Je vous le demande!... ». Et, tout en faisant glisser sa voix serpentine, il faufilait son petit nez et ses petits yeux dans tout interstice de l’intimité de son auditoire.

« Jésus Marie Joseph!, répondait la laitière. Vous avez bien raison, mon bon! Ce petit bonhomme se sert dans ma réserve de lait, pour sûr ! Car vous le savez, vous tous, seul le lait peut donner à la peau ce pur teint blanc! Mon Dieu, ce démon me vole sa couleur d’ange! Et moi qui ne m’en rendais même pas compte!... ». Et, après avoir dit tout cela d’une traite, elle chiffonnait son tablier jaune de ses mains tannées de travailleuse.

Et tout le monde avait son mot à dire, tout le monde s’empressait, quotidiennement, annuellement, tout le temps, d’ajouter sa part au gâteau social qui était toujours destiné à la figure de notre héros, lequel ne s’en doutait guère et ne s’en souciait pas. Et ils parlaient encore, et encore, ils riaient de ce personnage si petit et si étrange, ils le maudissaient, ils lui prêtaient des pouvoirs occultes et de sinistres intentions. Ils l’excluaient tellement, qu’à le voir si seul et si isolé, ils en oubliaient leur propre solitude… Seuls au milieu de tous. Et le Nain Blanc, seul avec lui-même, continuait à vivre son existence, loin des tracas des braves et bonnes gens du village.

vendredi 15 janvier 2010

Le Petit Loup Rouge et le Grand Méchant Chaperon (début du conte, en exclusivité!)

(ce conte est tiré d'une série de contes, Les Contes Attitrés, tirant leur inspiration d'un jeu de contrepet sur les titres de contes traditionnels. La trame, elle, n'est pas nécessairement en rapport avec le conte initial)



Il était une fois, il y a bien longtemps, dans un pays bien lointain, un petit animal tout poilu, tout doux, tout gentil, qu’on appelait le Petit Loup Rouge. « Petit », parce qu’il était tout petit, « Loup », parce que c’était un loup, et « Rouge », parce qu’il était tout rouge ! Hé oui ! Tout rouge comme une cerise au milieu du gâteau ! Il faut dire que son père, le Grand Loup Noir, qui était grand, qui était loup, et qui était noir, était plutôt du genre sanguin, et que sa mère, la Belle Louve Grise, qui était belle, qui était louve, et qui n’était pas blanche, aimait bien le vin rouge… Alors personne n’était-il étonné que le Petit Loup Rouge fut rouge. C’était comme ça, et c’était très bien. Au moins, on le reconnaissait, et même de loin ! Tout le monde dans la meute l’acceptait, les autres petits loups jouaient avec lui, surtout le Petit Loup Vert, dont les parents étaient végétariens et ne mangeaient que des haricots. C’était le bonheur.

 Un beau jour, alors que dans le ciel rosé le soleil rebondi se tenait tout gros, tout beau, tout chaud, et tout orange, la Belle Louve Grise appella son enfant qui était en train de jouer aux Indiens, et lui dit :
-         Petit Loup Rouge, cela fait moult temps que tu n’as pas cheminé jusque chez ta mère-grand, la Vieille Louve Chauve…
Ce qui voulait dire, en langage-loup, que cela faisait bien longtemps qu’il n’était pas allé voir sa grand-mère. Le Petit Loup Rouge dressa l’oreille, cela faisait effectivement longtemps qu’il n’avait pas vu sa mémé, et il aimait bien sa mémé.
-         Alors, cet après-midi, tu peux aller la voir tout seul, tu es grand maintenant, même si tu es encore petit…, continua la Belle Louve Grise.
-         Youpi ! cria le Petit Loup Rouge.
Et, tout heureux, rouge de plaisir, il se mit à bondir partout dans la maison, comme un poisson rouge dans son terrier… même si les poissons ne bondissent pas vraiment.
La mère calma l’enfant en lui donnant des grands coups de langue dans le cou, parce que les coups de langue dans le cou, chez les loups, ça calme beaucoup, et ça nettoie les poils du col…, et elle poursuivit :
-         Tu lui apporteras ce panier, dans lequel j’ai mis trois pots de chair à saucisse –à cause des dents qu’elle n’a pas- et un pot de sauce tomate pour faire des spaghetti. Il y a aussi une bonne bouteille de rouge, et une belle pomme rouge toute luisante, qu’elle ne pourra pas manger –à cause des dents qu’elle n’a pas-, mais qu’elle pourra regarder avec plaisir en attendant que le temps en fasse de la compote –à cause de ses dents…
-         Oui, oui, d’accord ! dit le Petit Loup Rouge, il s’empara du panier, et partit vers chez sa mémé.
-         Et fais bien attention au Grand Méchant Chaperon, quand tu passeras dans la Forêt Jaune ! lui cria sa mère. Reste bien sur le chemin, et ne t’arrête pas en route !

Le Petit Loup Rouge continua son chemin… Le Grand Méchant Chaperon ? Bâh ! Tout le monde en parlait, mais personne ne le voyait. Ceux qui l’avaient vu ne revenaient jamais, disait-on… Mais le Petit Loup Rouge n’était pas dupe. « Encore un conte à dormir debout ! », pensait-il, tandis qu’il arrivait à l’orée d’une magnifique forêt qui développait, sur un sol rouge de coquelicots, de majestueux arbres de toutes les couleurs du jaune : jaune-or, jaune-soleil, jaune-tournesol, jaune-canari, jaune-sous-marin. Tout était jaune dans cette forêt ( sauf les coquelicots ). C’est pour cela qu’on l’appelait la Forêt Jaune. Voilà.

Il faisait bon flâner dans cette forêt apaisante, aussi notre petit héros ne s’en priva-t-il pas, et, oubliant les sages conseils de sa mère, il quitta le chemin pour se fondre dans le tapis de coquelicots et s’enivrer des parfums de la nature… Les papillons multicolores s’amusaient sur son pelage, le prenant sans doute pour quelque rose ou tulipe –rouge, bien sûr ! L’air était léger et les oiseaux chantaient…

Soudain, au détour d’un gros chêne couleur jaune d’œuf, le Petit Loup Rouge tomba sur une sorte de grand fantôme tout noir ! C’était un géant totalement emmitouflé dans une sorte de grande cape noire, avec une grande capuche noire qui retombait sur un visage blanc au regard noir…
Le Grand Méchant Chaperon –car c’était lui !- était grand, méchant, et cachait sous sa cape un long fusil tout gris ! C’était un homme. Dans notre langage on aurait dit un chasseur, mais dans le langage des loups on disait « le Grand Méchant Chaperon »…




Extrait du conte "Le Petit Loup Rouge et le Grand Méchant Chaperon" (L. Varlet) - Début
Illustrations Eileen Prade

jeudi 14 janvier 2010

Une Journée d'Automne Ensoleillée

Aujourd’hui, le soleil -un peu froid- se dessine

Des contours incertains et des rayons pluvieux.

Un troupeau clairsemé de gouttelettes fines

Fait pleurer la fenêtre où s’évadent mes yeux.


Et j’entends les oiseaux qui chantent leur départ

Au silence du vent qui calme ses assauts.

Partir c’est pour mourir, chuchote ma mémoire,

Ou pour mieux revenir, sussurent les oiseaux.


L’arbre, lui, se dévêt en lente mise à nu

De ses feuilles en larmes laissées en poèmes.

Ses doigts accusateurs sont pointés vers les nues

Mais ses feuilles en pleurs savent bien qu’il les aime.


Au-delà de ma vue, au brouillard de mes songes,

Des fantômes de toits survolent des foyers,

Couvrant au gré du temps des amours qui se rongent,

Qui se perdent, se trouvent, en vie, endeuillées.


Derrière cette vitre, et sous mon propre toit,

Je veux comme l’oiseau chanter contre le vent,

Crier contre le ciel comme l’arbre géant,

Et gagner le soleil comme un dieu, comme un roi !…


Et vivre le soleil, comme un fou, comme un hère,

Comme une quête unique, une foi douloureuse.

Vouloir cette lumière étonnante et douteuse,

Aimer celle que j’aime, en richesse, en misère.


Et maintenant, là-bas, derrière la fenêtre,

Un peu seule, un peu loin, c’est elle que je vois.

La voix de mes éveils me dit : « Va, pour renaître,

Va prendre le soleil, quitte à prendre un peu froid ».

"Frères Approximatifs", 1ère page d'un roman en stand by...

- I -

« Mort aux Poètes ! », s’écria l’homme libre, alors que la nuit allait se substituer à ses jours, définitivement. D’une voix crépusculaire, il murmura encore quelques pensées rebelles inaccessibles à ses bourreaux, puis il s’éteignit, réduit à l’état de rêve pour ceux qui l’aimaient… La foule silencieuse autour de l’autel rouvrit ses yeux démentiels à la réalité factuelle du sacrifice : l’homme était mort, bien mort, merveilleusement mort ! Et il était vraiment jubilatoire, au-delà des mots, de pouvoir jouer avec la vie !

- II -

« Putain, merde !… »

Un gros bout flasque de ma baguette beurrée vient de tomber dans mon bol de lait au café alors qu’il aurait dû se retrouver dans mon gosier, fondant et chaleureux… La manœuvre de trempage a raté… S’il y a bien quelque chose qui m’énerve dès le petit matin, c’est qu’un gros bout flasque de baguette beurrée tombe dans mon bol de lait au café : il faut aller le récupérer à la petite cuillère, voire avec les doigts, et il reste toujours des petits vestiges mietteux sournois qui viennent troubler la fluidité de votre lapage de lait au café. Là, je n’ai pas le courage d’aller chercher la passoire pour rétablir l’ordre dans mon bol ; je vide son contenu souillé dans l’évier, rince l’objet céramiqueux à l’eau claire, et entreprends de me re-préparer un bon lait au café : il suffit de remplir le bol de lait entier, d’y ajouter trois petites cuillerées de miel, et une petite lampée de café – pour le goût : je n’ai nullement besoin d’un quelconque excitant… Et hop !, le tout au micro-ondes, trois bonnes minutes, afin que la croûte de crème puisse se faire complètement et, ainsi, devenir facilement retirable et jetable-à-la-poubelle. La crème, ça donne un bon goût au lait, mais en soi, c’est absolument répugnant de flasquosité…

Midi dix. Le carillon de l’église du village sonne douze coups. C’est normal, c’est fait exprès. J’ai toujours dix minutes d’avance sur le temps, j’en gagne ainsi en permanence… même si ce jour-là je me suis levé avec plus de quatre heures de retard sur ce que je m’étais imposé la veille en réglant le radio-réveil. Ce dernier a poussé son dernier jingle France-Infoïen ; il fume encore de son crash post-vol-plané, quelque part dans ma piaule. Bâh ! A quoi bon se lever tôt, moi qui suis un rêve-tard ? Autant en profiter, surtout quand on a les moyens - comme moi – de ne pas avoir à travailler pour vivre…

« Y’a cassé la musique du matin ? »

Une grosse voix derrière moi et mon nouveau bol de lait au café. Je sursaute. Mon dernier bout de baguette tombe dans le liquide tiède. Putain, merde !

« T’es con ou quoi, Arthur ? Tu m’as foutu les boules, bordel ! »

Je gueule. Ca fait du bien, de gueuler. Ca réveille, ça réchauffe. Et puis, quand on gueule, il n’y a pas besoin de se fouler les cellules grises à la recherche d’un vocabulaire… recherché, justement.

« Dis, Yann, y’a cassé la musique du matin ? »

Il se répète, le frangin. Il s’obstine. Soit.

« Eh oui, « y’a cassé la musique du matin » ! C’est mon droit, non ? C’est mon radio-réveil, j’en fais ce que j’en veux ! »

Ah ! La gueulante du matin… Arthur reste de marbre ; il est habitué.

« Y’a cassé la musique-réveil, compris… Yann, y’a con. »

Il a raison. Drôle de fratrie : un trisomique, et un con. Mais on s’aime quand même…

Bon, il est temps de se calmer. Je m’excuse hautainement auprès d’Arthur, et je me résous à me passer du reste de ma bolée « matinale »… Ca profitera aux rares micro-bestioles dans la tuyauterie de mon évier qui auront survécu aux rasades de javel quotidiennes. Dehors, le temps semble ensoleillé : ça pue le purin jusqu’ici ; il paraît que c’est très sain, l’air de la campagne… J’ouvre les persiennes ; gagné : il fait beau ! Quel détective je ferais !…

On est le 22 mai, la fête d’Emile. Si maman était là, elle m’aurait lâché un dicton du genre : « Soleil à la Saint Emile, le puits se fait de la bile ». C’est nul.

Dieu ait son âme.

L'Art du Rêve raconté aux Grands Enfants

d'après la Grande Glaneuse de Basidiomycètes, de Michel Michaux (c)

Voici l’heure des fous où les rêves dérivent

En mystères légers et vibrantes énigmes,

L’heure immobilisée qui tue les paradigmes

Et génère des touts et des riens qui s’avivent.

C’est là l’instant aimé, l’âme des créateurs,

La nuit des inconscients, le jour des insensés,

C’est là le temps donné aux arts libérateurs

La voilà doucement, la Glaneuse, l’osée.


Pour qu’elle glane, ami, scelle tes yeux d’en nuits

Et dans un souffle épris, effleure la bougie

Effeuille la bougie, érige tes folies

Pour qu’elle glane, ami, la faucheuse d’ennui


Voici le pays, sage, à l’orée des raisons,

Le pays des possibles et des rendez-vous,

Paysage indicible aux dessus sans dessous,

La patrie du partage aux larges horizons.

C’est là, entre deux eaux d’un ciel océanique,

De caresses en vagues, vagues silencieuses,

C’est là ce lieu non clos donné aux romantiques,

A l’esprit qui divague… Voilà la Glaneuse.


Pour qu’elle glane, ami, scelle tes yeux d’en nuits

Et dans un souffle épris, effleure la bougie

Effeuille la bougie, érige tes folies

Pour qu’elle glane, ami, la faucheuse d’ennui


Voici le promeneur de ces heures promises,

Chromatique pierrot en habits d’univers,

Meneur d’arts sans repos, et son poisson lunaire,

Tôt ou tard, en douceur, contre les mines grises.

C’est l’espace courbé de songes éphémères,

Le règne des envers sur les vies sans aura.

C’est là l’être nimbé de fois en bandoulière

Et d’espoirs entrouverts : la Glaneuse, voilà.


Pour qu’elle glane, ami, scelle tes yeux d’en nuits

Et dans un souffle épris, effleure la bougie

Effeuille la bougie, érige tes folies

Pour qu’elle glane, ami, la faucheuse d’ennui


Voici l’onde essaimée en ces fleurs suspendues,

Et la drogue savante en ces pieds entêtés,

Mondes semés qui chantent loin des vérités

Et poussent en sommets de démentes vertus.

C’était là la très grande, onirique compagne

Des mirages bleutés visités en candeur ;

C’était la sarabande de mots de cocagne,

D’images habitées, la Glaneuse, l’Auteur.